Harcèlement au travail : attention, nouvelles règles ! | Ordre des administrateurs agréés du Québec

Gestion

Harcèlement en milieu de travail
Attention, nouvelles règles !

Dave Bouchard, avocat, CRHA, Adm.A.

Publié le : 03 décembre 2018 | Dernière modification le : 08 février 2022

Le 12 juin 2018, le Projet de loi 176 1, a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec. Cette loi apporte d’importantes modifications à la Loi sur les normes du travail 2 et vise principalement à faciliter la conciliation famille-travail, à améliorer la qualité de vie des familles et à bonifier les congés pour obligations familiales ou parentales. Plusieurs modifications législatives sont déjà en vigueur depuis le 12 juin 2018, alors que d’autres n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2019.

Les gestionnaires doivent apporter une attention particulière aux amendements apportés par cette loi, surtout en matière de protection contre le harcèlement psychologique en milieu de travail.

Il est utile de rappeler que cette notion de harcèlement psychologique a été introduite en 2004 dans le corpus législatif québécois par l’ajout d’une nouvelle section à la Loi sur les normes du travail. Celle-ci prévoit désormais une définition légale de la notion de « harcèlement psychologique » ainsi que l’ajout de deux obligations pour les employeurs, à savoir celles de prendre les moyens raisonnables :

  • pour prévenir le harcèlement psychologique ; et,
  • pour faire cesser le harcèlement psychologique lorsqu’un tel comportement est porté à leur connaissance.

L’introduction de ce nouveau régime ajoutait également un recours permettant à un salarié qui se croit victime de harcèlement psychologique de déposer une plainte à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST »). Le délai pour déposer une telle plainte était alors de 90 jours à compter de la dernière manifestation de la situation de harcèlement psychologique alléguée.

Depuis la création de ce recours en 2004, plus de 23 000 plaintes pour harcèlement psychologique ont été déposées à la CNESST, excluant les plaintes dénoncées par voie de griefs dans les milieux syndiqués.

Influencé par la croissance incessante du mouvement « Me too », le législateur est intervenu et a étendu, dans le cadre des récentes modifications législatives apportées à la Loi sur les normes du travail, la portée des protections prévues en matière de harcèlement psychologique en milieu travail. En voici un résumé.

La définition du harcèlement psychologique

Tout d’abord, la définition du « harcèlement psychologique » prévue à l’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail a été précisée.

Il faut se remémorer qu’au terme de cet article, le harcèlement psychologique constitue :  

  1. une conduite vexatoire ;
  2. qui se manifeste de façon répétitive ou lors d’un acte unique et grave ;
  3. de manière hostile ou non désirée ;
  4. portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié ;
  5. entraînant un milieu de travail néfaste.

La définition du harcèlement psychologique inclut également une seule conduite grave qui porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité du salarié et qui produit pour lui un effet nocif continu.

Désormais, par les modifications législatives du 12 juin 2018, la définition du harcèlement psychologique s’étend à des paroles, actes ou gestes à caractère sexuel. Il s’agit là d’un simple ajout législatif, car la jurisprudence reconnaissait depuis plusieurs années que des conduites à caractère sexuel pouvaient constituer du harcèlement psychologique au sens de la définition de la Loi sur les normes du travail.

L’adoption obligatoire d’une politique

L’une des modifications les plus importantes du Projet de loi 176 est assurément l’ajout d’une obligation spécifique pour les employeurs d’adopter et de rendre disponible, et ce, à compter du 1er janvier 2019, une politique de prévention du harcèlement psychologique. Cette politique devra également inclure un processus de traitement des plaintes à l’interne chez l’employeur.

Cette modification vient renforcer l’exigence que la jurisprudence imposait aux employeurs de démontrer qu’ils avaient adopté une politique en matière de harcèlement psychologique afin de rencontrer leur obligation de prévention. De plus, elle ouvre désormais la voie à des poursuites pénales pour les employeurs qui n’adopteraient pas une telle politique d’ici l’entrée en vigueur de cette nouvelle obligation.

Le délai pour le dépôt d’une plainte

Un autre amendement non négligeable apporté à la Loi sur les normes du travail par le Projet de loi 176 est l’augmentation du délai pour déposer une plainte en matière de harcèlement psychologique. En effet, depuis le 12 juin 2018, les salariés ont désormais 2 ans à compter de la dernière manifestation d’une conduite constituant du harcèlement psychologique pour adresser une plainte à la CNESST.

Ce délai s’applique tant au dépôt d’une plainte à la CNESST qu’au dépôt d’un grief suivant une convention collective.

L’augmentation de ce délai est susceptible d’entrainer certaines difficultés pour les employeurs notamment en matière de conservation de la preuve.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

Le Projet de loi 176 a également créé une nouvelle obligation de collaboration entre la CNESST et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (la « CDPDJ »).

En effet, depuis le 12 juin 2018, la CNESST, avec le consentement du salarié plaignant, doit transmettre à la CDPDJ toute plainte qui concerne une conduite à caractère discriminatoire observée dans le cadre d’une plainte déposée en matière de harcèlement psychologique. Une entente entre les deux organismes devra toutefois être élaborée afin de prévoir les modalités de collaboration entre eux. Une conduite discriminatoire repose essentiellement sur des motifs protégés par la Charte des droits et libertés de la personne, tels que notamment le sexe d’une personne, sa religion, sa race, sa langue, son orientation sexuelle, sa condition sociale ou encore tout handicap qu’elle pourrait avoir.

Cela crée donc un risque qu’une même problématique de harcèlement psychologique puisse se retrouver sous enquête par deux organismes distincts, lorsqu’il y a présence d’une conduite discriminatoire.

À retenir

  • La définition du harcèlement psychologique contenue à la Loi sur les normes du travail comprend désormais explicitement tout comportement à caractère sexuel ;
  • D’ici le 1er janvier 2019, les employeurs devront rédiger et adopter une politique de prévention du harcèlement psychologique en milieu de travail et de traitement des plaintes ;
  • Les salariés disposent désormais d’un délai de 2 ans pour déposer une plainte à l’encontre d’une situation de harcèlement psychologique ;
  • La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pourrait être saisie des plaintes déposées à la CNESST en matière de harcèlement psychologique qui impliquent une conduite à caractère discriminatoire.
 Article coécrit avec Me Blanche Fournier, avocate en droit du travail et de l’emploi chez Lavery Avocats

1 Le nom officiel est Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail

2  RLRQ, c. N-1.1

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