Gestion
Six dimensions pour une « Synergie d’action »
Publié le : 10 janvier 2020
C’est reconnu, la haute gestion n’accorde pas toujours d’importance à des considérations qui pourtant apparaissent fondamentales à l’ère de la gouvernance de nos administrations.
Or face à une compétitivité globale accrue dans toutes les dimensions, c’est l’efficacité et également l’efficience qui mèneront à l’excellence. En ce sens, la stratégie à elle seule ne suffit plus. Il faut dorénavant obtenir des effets de levier à forte valeur ajoutée, autrement dit de la « Synergie d’action ». C’est le cas pour la plupart des entités, publiques et privées.
Avant-propos - Efficacité et efficience
On entend par « efficacité » l’atteinte des objectifs fixés et par « efficience » l’atteinte de ces mêmes objectifs fixés avec un minimum de moyens, qui soient idéalement optimisés.
Selon Peter Drucker (1973) dans Management (p. 45-6) : « l’efficience c’est de bien faire les choses, tandis que l’efficacité c’est de faire les bonnes choses »*. Or aujourd’hui, les deux sont intégrées et il faut bien faire les bonnes choses pour exceller. Le tableau suivant illustre bien la recherche d’excellence par l’efficacité et l’efficience :
Dans cette optique de compétitivité globale accrue, la recherche de moyens d’exceller en gestion passe ainsi par la considération intégrée de six dimensions fondamentales : la situation, la socioculture, la structure, le système, la stratégie et la synergie qui en résulte. Bien qu’aux fins d’analyse il soit important de considérer chacune de ces dimensions en elle-même, c’est l’intégration des six dimensions qui produira les effets escomptés. Au-delà de l’analyse, c’est donc la synthèse de l’ensemble des dimensions qui est essentielle. Le schéma ci-dessous illustre bien les interdépendances fondamentales entre ces dimensions.
Modèle théorique de la Synergie d’action
Situation
Dans un ordre logique d’analyse, le contexte situationnel vient en premier lieu. Il s’agit alors de se demander où et quand les actions à exécuter ou effets recherchés auront lieu. Or généralement, ces considérations vont de soi dans un contexte donné, mais parfois, il peut être intéressant de se projeter hors contexte, comme dans le cas de multinationales, voire même d’entreprises régionales. Pensons à la délocalisation en vogue des universités qui s’adressent ainsi à de toutes nouvelles clientèles en modifiant leur offre dans l’espace. La désynchronisation, par les cours à distance, est une autre façon de se décontextualiser. Cette première dimension établit donc les conditions dans lesquelles l’on souhaite agir.
Socioculture
La seconde dimension, celle de la socioculture relative à l’aspect sociétal, pose quant à elle la question du qui : pour qui, avec qui, etc. Il s’agit alors de bien cerner l’ensemble des parties prenantes de l’offre de produits et de services, en amont autant qu’en aval. Malheureusement, la dimension sociale et culturelle est souvent tenue pour acquise. On ne réfléchit pas suffisamment aux personnes qui sont au cœur de toutes les activités, par exemple, le rôle des facteurs et livreurs dans l’économie contemporaine. Plus encore, dans une perspective d’excellente gestion des ressources, l’humain est l’élément crucial. Cette seconde dimension établit donc la compréhension qui nourrit toutes interrelations.
Comme ces deux premières dimensions sont implicites, elles sont souvent considérées informellement, quoique de plus en plus, des recherches en gestion tendent à démontrer leur importance, qu’il s’agisse de la question environnementale ou de l’impact sociétal.
Structure
Une fois ces deux premières dimensions explicitées, il importe d’analyser la structure et l’organisation dans un troisième temps. Qu’il s’agisse de hiérarchie ou d’horizontalité, la dimension structurelle des organisations est un levier souvent utilisé en management, et ce au détriment d’autres dimensions, comme la saine gestion de la socioculture notamment. Il s’agit souvent d’ailleurs du premier réflexe exécutif à l’annonce d’une problématique donnée, soit d’ajuster ou de changer la structure. Or, on se rend compte rapidement que la transformation de la structure seule ne règle pas un problème de culture, par exemple. Cette troisième dimension établit la considération de l’ordonnancement : la coordination.
Système
La quatrième dimension, celle du système et processus, répond à la question du comment, c’est à dire le fonctionnement au-delà de la structure soutenue par la culture dans un contexte. Si la dimension structurelle s’attarde à la coordination, celle-ci s’occupe de la coopération dans les « opérations conjointes » pour atteindre les objectifs avec des moyens optimaux. Souvent aussi considérée par l’exécutif, cette dimension du comment est souvent associée aux choix stratégiques, alors qu’il s’agit en fait de comprendre la mécanique systémique. La question technologique très en vogue est souvent abordée sous cet angle du système. Cette dimension établit le degré d’efficience recherché qui est permis par l’optimisation.
Stratégie
Parmi les dimensions explicites de la structure et du système, la cinquième, à savoir celle de la stratégie, prédomine. Répondant à la question stratégique du pourquoi nous faisons les choses, cette question fondamentale permet d’aiguiller les précédentes dimensions et donne un sens à la situation, à la socioculture, à la structure et au système. Il s’agit ainsi de l’orchestration et de la concertation de l’ensemble. Souvent discutée, la stratégie ne se résume pas à l’organisation (structure), ni aux opérations (système), mais à l’orientation. Cette cinquième dimension établit les politiques nécessaires à l’exécution de la stratégie.
Synergie
Enfin et non la moindre, la sixième dimension, à savoir celle de la dynamique de synergie, constitue un effet intéressant, puisqu’il s’agit ici de l’effet global du système de systèmes. Intuitivement, on saisit bien l’importance du fit entre les cinq dimensions précédentes. Cet esprit de collaboration si recherché, cet effet de cercle vertueux et cette valeur ajoutée se gèrent, tout autant que la situation, la socioculture, la structure, le système et la stratégie. En fait c’est l’essence même du métamanagement et l’enjeu central de la gouvernance. Il s’agit dès lors de concevoir nos actions selon une perspective constructive – pragmatique. Cette sixième dimension établit la collaboration plus grande que la somme de ses parties.
Statistiques
Or la méta-analyse quantitative, soit l’analyse statistique des mots-clés (codés), concepts et catégories, et qualitative, soit l’analyse interprétative de ces concepts et catégories, de 178 documents traitants de l’approche compréhensive, aussi appelée l’approche intégrée, nous a d’abord permis de valider le degré de signification de chacune des six dimensions et nous avons obtenus les statistiques descriptives suivantes relatives à l’usage de chacune :
Il est ainsi intéressant de noter que dans la pratique d’une approche émergente qui se veut justement plus compréhensive et intégrée, que les exécutifs exploitent beaucoup les deux dimensions qui sont plus tangibles à leurs yeux que sont la stratégie ainsi que la structure, respectivement à 26,9% et 20,3% totalisant 47,2% soit environ la moitié de leur attention. On comprend ainsi mieux les préoccupations pourquoi / comment on organise les choses. Mais ce qui très révélateur et plus intéressant encore sont les quatre autres dimensions qui sont souvent intangibles et moins palpables à court terme dans l’action par nos exécutifs. C'est alors que surgissent des questions telles où, quand, qui, pour qui, comment et alors ?
La socioculture par exemple prend plus de temps à se concrétiser selon le catalyseur du changement et la situation est parfois limitée dans une certaine perspective. La synergie quant à elle, résultante de l’ensemble du modèle est tout aussi difficile à saisir et mesurer. Le système pour sa part prend de plus en plus d’importance avec la stratégie et structure. Néanmoins, il apparaît à la lumière de ces recherches sur la prise de décisions exécutives dans le cadre de l’approche intégrée ou compréhensive que les six dimensions sont toutes statistiquement significatives. Autrement dit, si l’administration se limite à quatre des six dimensions comme c’est souvent le cas (stratégie, structure, le système et la société), il est quasi improbable, voire théoriquement impossible, d’atteindre une forte valeur ajoutée. En effet, comment exceller sans tenir compte de l’espace, du temps et de la collaboration.
Par ailleurs, davantage d’attention devrait être accordée, par exemple, à la gestion socioculturelle des valeurs ou encore de l’esprit d’équipe, en contrepartie d’une nette réduction de l’attention accordée par la haute gestion à la soi-disant stratégie et même à la structure. Or le premier réflexe est souvent structurel puis stratégique et de plus en plus systémique. Par exemple, on serait tenté d’implanter l’intelligence artificielle sur des processus moins intelligents, ce qui mènera à l’automatisation et à l’accélération de décisions médiocres... Ou encore, on négligera le facteur humain, tel l’esprit d’équipe, dans une réorganisation purement structurelle, à l’appui de systèmes et de slogans stratégiques sans grand succès.
Synthèse
C’est véritablement l’interdépendance des six dimensions qui est au cœur du modèle de la Synergie afin d’obtenir une forte valeur ajoutée et exceller dans nos organisations. Que les entitées soient privées ou publiques, la valeur ajoutée se concrétise par l’intégration du contexte situationnel avec la socioculture, la structure organisationnelle, le processus systémique, la stratégie politique et la synergie dynamique. On peut en effet déterminer des degrés d’intégration, de 1 à 6, où une seule dimension est employée, souvent par un gestionnaire spécialisé, jusqu’à six dimensions employées pour obtenir un effet de levier. Il s’agit alors du champ d’action de gestionnaires généralistes, affectés à la gouvernance. En considérant les six dimensions de façon intégrée, on atteint une « Synergie d’action ». Dès lors on peut parler de saine gouvernance, d’excellence en gestion, de valeur ajoutée.
* Traduction libre de l'auteur.
Référence : The Difference Between Effectiveness And Efficiency Explained
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